Radiographie mondiale du marché de la musique
Bilan annuel de ce que furent les tendances lourdes de l'évolution du marché de la musique enregistrée et des droits d'auteur de la musique à l'échelle mondiale en 2024.
Kevyn Adha/Getty Images
SOMMAIRE
Une croissance toujours soutenue du marché de la musique enregistrée
Des perceptions de droits d’auteur à leur plus haut niveau historique
Un produit global du copyright de la musique en forte hausse
Une croissance toujours soutenue du marché de la musique enregistrée
Le marché de gros mondial de la musique enregistrée a atteint 28,6 milliards de dollars en 2023 (27,2 Md€), en hausse de 10,2% par rapport à l'année précédente, selon le bilan de l’IFPI (International Federation of the Phonographic Industry) publié au mois de mars 2024. Corrigée de l’inflation, sa valeur reste cependant inférieure de 30 % à son plus haut niveau de 1999, qui équivaudrait à 41,3 milliards de dollars d’aujourd’hui (39,3 Md€).
Le streaming a représenté plus des deux tiers (67,3%) des revenus de l'industrie phonographique en 2023, atteignant 19,3 milliards de dollars, soit près de 184 milliards d’euros (+ 10,4 % sur un an). Ce sont cependant les ventes physiques qui ont connu la plus forte croissance (+ 13,4%), à hauteur de 5,1 milliards de dollars (4,8 Md€), soit 17,8 % du marché de gros mondial. Cette progression n’avait été que de 3,8 % en 2022. L'Asie a pesé à elle seule près de la moitié (49,2%) des ventes physiques en valeur.
Les perceptions de droits voisins - qui rémunèrent l’utilisation de la musique enregistrée par les radiodiffuseurs et les lieux public - ont progressé de 9,5 % au niveau mondial l’an dernier, à hauteur de 2,7 milliards de dollars (2,5 Md€), soit 9,5 % des revenus globaux, et ceux de la synchronisation - utilisation de la musique à l’image - de 4,7 %, à 631 millions de dollars, soit 602 millions d’euros (2,2 % des revenus globaux). Le téléchargement est le seul segment de marché à s’afficher en retrait (- 2,6 %). Il ne pèse plus que 3,2 % des revenus globaux.
A l’exception de l’Australie, dixième marché mondial de la musique enregistrée, qui a connu une croissance de ses ventes de gros légèrement supérieure à 10 % en 2023, ou encore du Canada (+ 12,2 %), les principaux marchés développés n’affichent que des taux de croissance à un chiffre avant la virgule. Il a été de 7,2 % aux Etats-Unis en 2023, selon l’IFPI, de 7,6 % au Japon, de 8,4 % au Royaume Uni, de 7 % en Allemagne, et de 4,4 % en France. La Nouvelle Zélande (+ 8,4 %) se positionne en 4ième position dans le classement des marchés développés les plus dynamiques en 2023.
L’Union européenne deuxième marché mondial
Malgré une croissance de 8,7 % en 2023, l’Union européenne (UE) ne se positionne qu’au cinquième rang parmi les régions du monde où le marché de gros de la musique enregistrée a progressé le plus fortement en 2023, selon le classement établi par l’IFPI dans son rapport Music In the EU 2024 publié en septembre 20241, derrière la Chine, l’Afrique subsaharienne, le Mexique et la région MENA, qui recouvre le Moyen Orient et l’Afrique du Nord.
Pris séparément, les 27 pays de l’UE ont cependant connu des taux de croissance très variés en 2023, la Tchécoslovaquie (+ 4,5 %), la France (+ 4,4 %) et la Finlande (+ 3,7 %) affichant les plus bas. La Bulgarie (+ 44 %) et les Pays Baltes (+ 21,2 %) ont été les marchés les plus dynamiques de la zone, devant l’Italie (+ 18,8 %), la Pologne (+ 18,3 %) et la Grèce (+ 14,9 %). Plusieurs autres pays d’Europe centrale ou d’Europe du sud ont eux aussi connu des taux de croissance à deux chiffres, comme la Slovénie (+ 12,6 %), la Roumanie (+ 12,3 %), le Portugal (+ 12,4 %) ou encore l’Espagne (+ 10,6 %).
En Europe du Nord, seuls les Pays Bas (+ 10,7 %) et la Belgique (+ 12,4 %) se distinguent. L’Irlande a connu le même taux de croissance que le Royaume Uni en 2023 (+ 8,4 %). Il a été de 7 % en Allemagne, de 7,2 % en Autriche, et d’un peu plus de 6 % au Danemark et en Suède. Les plus gros marché de la zone sont globalement les moins dynamiques. Les revenus des producteurs de phonogrammes de l’UE se sont élevés à 5,2 milliards d’euros en 2023, contre un marché de gros de 10,2 milliards d’euros aux Etats-Unis, de 2,5 milliards d’euros au Japon, et de 1,7 milliard d’euros au Royaume Uni.
En incluant le Royaume Uni, le marché de gros européen de la musique a pesé 6,9 milliards d’euros en 2023, ce qui, corrigé de l’inflation, ne représente que 61 % de ce qu’il a pesé en 2001. A titre de comparaison, le marché de gros a pesé 1,3 milliard d’euros en Chine, 454 millions d’euros au Mexique, 102 millions d’euros dans la région MENA (Moyen Orient et Afrique du Nord), et 85 millions d’euros en Afrique subsaharienne.
La croissance de l’abonnement marque le pas
Sur les marchés développés, où la pénétration de l’abonnement à des services d’écoute à la demande, principal levier de croissance de l’industrie musicale ces dix dernières années, est déjà relativement élevée, sa croissance commence à marquer le pas. Aux États-Unis, où le taux de pénétration de l’abonnement est de l’ordre de 30%, elle n’a été que de 4% en valeur au premier semestre 2024, selon les statistiques publiées par la RIAA (Recording Industry Association of America) sur le marché de détail américain au mois de juillet 20242.
A titre de comparaison, les revenus de l’abonnement avaient progressé de 32 % aux Etats-Unis sur l’ensemble de l’année 2018, de 25 % en 2019, de 14,6 % en 2020 et de 23 % en 2021, avant de commencer à marquer sérieusement le pas en 2022 (+ 8 %). Leur croissance ne fut que de 9 % en 2023. Les autres segments de marché du streaming musical américain voient également leur croissance sérieusement ralentir. Cette dernière n’a été que de 2 % pour les revenus publicitaires du streaming gratuit au premier semestre 2024, et de 2 % pour les revenus de la webradio et de la radio interactive gérés collectivement par l’organisme SoundExchange,
En France, la croissance des revenus de l’abonnement à des services de streaming musical, qui a pesé 62 % des ventes de gros de musique enregistrée sur la période, a été de 11,3 % sur un an au 1er semestre 2024, selon les chiffres publiés par le SNEP (Syndicat national des éditeurs phonographiques) au mois de septembre 20243. Si elle reste honorable et s’est légèrement accélérée - elle n’avait été que de 9,2 % sur l’ensemble de l’année 2023 -, elle ne donne pas encore pleinement satisfaction, en raison notamment du faible taux de pénétration de l’abonnement dans l’Hexagone, qui n’est que de 16 % de la population des internautes.
A titre de comparaison, ce taux de pénétration est de 17,5 % en Allemagne, de 26,5 % au Royaume Uni, et de 30,1 % aux Etats-Unis. La croissance des revenus de l’abonnement a par ailleurs été supérieure sur d’autres territoires européens au premier semestre 2024 : de 12,7 % en Allemagne, de 18 % en Espagne, et de 23 % en Italie. Selon le SNEP, la progression des revenus de l’abonnement en France reste trop faible pour nourrir pleinement le développement du marché, alors que c’est la première source de création de valeur.
Des marchés émergents en plein essor
Les nouveaux marchés émergents de la musique, dont le développement repose essentiellement sur celui du streaming, ont connu des taux de croissance de leur marché de gros de la musique enregistrée bien supérieurs à ceux des pays développés en 20234. Selon l’IFPI, cette croissance fut de 19,4 % en Amérique Latine, de 14,4 % dans la région MENA, de 14,9 % en Asie, et de 24,7 % en Afrique sub-saharienne.
L’Afrique sub-saharienne est la région du monde où cette croissance a été la plus forte pour la deuxième année consécutive. Elle avait été de 34,7 % en 2022. L'Afrique du Sud a pesé à elle seule 77 % des revenus bruts de l’industrie phonographique en Afrique sub-saharienne en 2023, soit un peu plus de 68 millions de dollars (65 M€). Hors Afrique du Sud, le Nigeria est l’un des marchés les plus dynamiques de la région. Selon le site Statista, le marché de détail de la musique enregistrée au Nigeria a pesé environ 44 millions de dollars l’an dernier (42 M€). Il ne pesait que 26 millions de dollars en 2014 (25 M€), soit une croissance de près 70 % dans l’intervalle.
Les deux pays bénéficient de la notoriété croissante de l’afrobeat et de l’amapiano, deux genres de musique locaux, sur les plateformes de streaming audio et vidéo à l’international. En 2022, l’afrobeat a généré 13 milliards de streams sur Spotify, selon la plateforme : un volume d’écoutes en hausse de 550 % depuis 2017. Les vidéos d’afrobeats et d’amapiano sur Vevo ont généré près de 4 milliards de vues en 2023, dont 61 % hors d’Afrique. Au cours des cinq dernières années, leur nombre de vues a augmenté de 223 % aux États-Unis, et de 113 % au Royaume-Uni
Un dragon chinois en pleine ascension
En Asie, la Chine, qui est devenue le cinquième marché mondial en 2022, dépassant la France, est le territoire qui a enregistré la plus forte progression (+ 25,9%) des revenus brut de la musique enregistrée. L’ascension irrésistible du dragon chinois a commencé dans les années 2010. Selon une étude gouvernementale de la NCAC (National Copyright Administration of China), le marché de détail chinois de la musique en ligne a triplé en valeur entre 2013 et 2018.
Les deux leaders du marché chinois du streaming, Tencent Music Entertainment (TME) et Netease Cloud Music (NCM), crédités ensemble de 78 % de parts de marché, dans un pays où le streaming pèse 89 % des revenus de la musique enregistrée, ont enregistré une forte croissance des revenus de l’abonnement à leurs services de streaming musical en 2023 et au 1er semestre 2024. Elle a permis de compenser, chez l’un comme chez l’autre, la baisse du chiffre d’affaires de leurs services de divertissement social autour de la musique (karaoké, live streaming), qui furent longtemps leur principale source de revenus.
En incluant la publicité, les services de musique en ligne de TME, qui revendique 117 millions d’abonnés et 570 millions d’utilisateurs mensuels, ont généré un chiffre d’affaires en hausse de 37,2 % sur an au premier semestre 2024. Leur croissance avait été de 38,8 % en 2023. Elle a été de 17,6 % en 2023 chez NCM, qui revendique une cinquantaine de millions d’abonnés et plus de 200 millions d’utilisateurs mensuels, et de 26,6 % au premier semestre 2024.
Malgré une baisse marquée de leur chiffre d'affaires dans les activités de divertissement social, les deux leaders du streaming musical en Chine, qui sont tous les deux bénéficiaires, ont vu leurs profits exploser au 1er semestre 2024. Ceux de TME étaient en hausse de 35 % sur un an, ceux de NCM de 165 %. Sur la base des parts de marché présumées de TME et NCM, le marché de détail chinois de la musique en ligne (hors services de divertissement social) peut être évalué à environ 3,5 milliards d’euros en 2023.
Le poids démographique de l’Inde fait la différence
De par sa démographie, l'Inde, dont les deux tiers des 1,4 milliard d’habitants ont moins de 35 ans, est en passe de devenir le premier marché mondial du streaming musical en volume de consommation. Selon le dernier rapport annuel de la firme américaine Luminate, qui collecte des données sur la consommation de musique dans le monde entier, le nombre total de streams musicaux audio et vidéo enregistré dans le pays a été de 1037 milliards en 2023, ce qui le classe au 2ième rang mondial derrière les Etats-Unis, numéro un incontesté du marché en volume l’an dernier, avec 1454 milliards de streams.
La progression du nombre de streams enregistrés en Inde ayant été de 89 % sur un an, contre une progression de seulement 14,5 % aux Etats-Unis (et de 22,9 % au niveau mondial), le pays devrait s’installer à la première place en volume de consommation dès 2024. Moins de 10 % des écoutes étant le fait d’abonnés en Inde, contre 57,5 % au niveau mondial, 67 % en France, voire 90 % ou plus dans les pays scandinaves, la publicité y reste la principale source de revenus du streaming musical, et le poids du marché de gros indien en valeur reste encore très modeste.
Selon l’IFPI, il repose à 87 % sur les revenus du streaming et n’a pesé que 319 millions de dollars (295 M€) en 2022. Mais sa progression a été de 48 % sur un an, quand celle du marché de gros mondial ne fut que de 9 % la même année. La croissance du marché de gros indien ayant été de 15,3 % en 2023, selon le dernier Global Music Report de l’IFPI publié en mars 2024, il a pesé aux alentours de 368 millions de dollars l’an dernier. A ce rythme, l’Inde, qui se classe au 14ième rang mondial aujourd’hui, ne devrait pas tarder à faire son entrée dans le top 10.
Principale conséquence de la montée en puissance du marché indien, son répertoire local, qui pèse 70 % des écoutes dans le pays, voit son audience croitre de manière exponentielle. Sur Spotify, ses volumes d’écoutes ont progressé de 2000 % en cinq ans, a indiqué le numéro un mondial du streaming. En 2023, la part de l’hindi dans le top 10 000 des titres les plus écoutés dans le monde a été de 7,8 %, contre 6,1 % en 2022 et 3,8 % en 2021, selon Luminate. L’hindi se classe en 3ième position derrière l’anglais et l’espagnol.
Le Brésil de retour dans le top 10
Avec 86,3 % de ses revenus en provenance du streaming, le marché de gros sud-américain de la musique enregistrée a progressé de 19,4 % en 2023, indique l’IFPI dans son dernier Global Music Report. Cette croissance avait été de 25,9 % en 2022, et de 31,2 % en 2021. Le Brésil et le Mexique sont les deux principaux marchés du sous-continent, loin devant l’Argentine, le Chili et la Colombie. Ils pèsent environ 75 % du marché sud-américain à eux seuls.
Le marché de gros brésilien a pesé 2,9 milliards de réals en 2023 (477,5 M€), selon la branche locale de l’IFPI Pro-Musica, affichant une progression de 13,4 % sur un an (+ 15,4 % en 2022), et se classant au 9ième rang mondial devant l’Australie et derrière le Canada. Le streaming, qui est son principal levier de croissance, avec des revenus en hausse de 21,9 % sur un an, a pesé à lui seul 2,5 milliards de réals (411 M€), soit 87 % du marché de gros.
Les revenus générés par les artistes brésiliens sur Spotify ont atteint 1,2 milliard de reals en 2023 (208 M€) a indiqué la plateforme de streaming, soit une progression de 600 % depuis 2017. Parmi les 200 chansons les plus diffusées au Brésil en 2023, la musique brésilienne détenait une part de 93,5 %. Le Brésil n’est pas à proprement parler un nouveau marché de la musique. En 1999, quand les ventes de CD, alors principale source de revenus de l’industrie phonographique, atteignaient leur sommet, le pays se classait 6ième derrière la France dans le top 10 des marchés mondiaux. Il pesait alors 814 millions de réals, soit 407 millions de dollars de l’époque, et 761 millions de dollars d’aujourd’hui (704 M€).
Le marché de gros brésilien a atteint son sommet en 2000, à hauteur de 890 millions de réals, soit 832 millions de dollars d’aujourd’hui (770 M€). Nettement affecté par la crise du disque, il a disparu du top 10 des marchés mondiaux en 2002 (il n’y fera un retour intermittent qu’à partir de 2010), et a atteint son plus bas en 2014, à hauteur de 454,5 millions de réals (237 M€ d’aujourd’hui), avant de commencer à rebondir en 2015. Son poids est désormais supérieur à celui des marchés italien ou espagnol.
Boom des musiques latines
Le marché de gros mexicain a progressé de 18,2 % l’an dernier selon l’IFPI (+ 24,3 % en 2022). Selon des chiffres de l’IFPI rendus public par L’Observatoire latino-américain de la musique indépendante (OLMI), il a pesé 208 millions de dollars (192 M€) en 2021. Il devrait donc avoir atteint 259 millions de dollars en 2022 (239 M€), et 306 millions de dollars (283 M€) en 2023. Le marché de détail mexicain pourrait atteindre 511 millions de dollars en 2024 (488 M€), estime le site Statista dans ses projections. A titre de comparaison, le marché de détail espagnol, qui connait une croissance moindre, a pesé 520 millions d’euros en 2023 (+ 12,3 % sur un an), selon la branche locale de l’IFPI Promusicae.
La production musicale mexicaine bénéficie directement du boom des musiques latines dans le monde, en particulier aux Etats-Unis, où elles n’ont cessé de gagner en popularité au cours des huit dernières années, comme en attestent les rapports que leur consacre régulièrement la RIAA (Recording Industry Association of America). En 2023, elles y ont généré un chiffre d’affaires hors taxe de 1,4 milliard de dollars (1,3 Md€), en progression de 16 % sur un an, contre 8 % pour le marché de détail américain dans sa globalité. De 5 % en 2019, la part de marché des musiques latines aux Etats-Unis est passée à près de 8 % l’an dernier.
Selon le dernier rapport annuel de Luminate, le volume d’écoutes d’artistes mexicains aux Etats-Unis a progressé de 60 % sur un an en 2023. Dans une note récente, Spotify indiquait que le volume d’écoutes de musique mexicaine sur sa plateforme a augmenté de plus de 440 % au niveau mondial entre 2018 et 2023, et de 195 % dans les autres pays d’Amérique Latine entre 2020 et 2023.
La région MENA aux avant-postes
Avec une croissance de son marché de gros de la musique enregistrée de 35% en 2021, de 23,8 % en 2022, et de 14,4 % en 2023 selon l’IFPI, la région MENA, où le streaming pèse 98,4 % des revenus de l’industrie phonographique, se situe également aux avant postes du développement de ce dernier sur les marchés émergents. Le taux de pénétration du streaming musical est relativement élevé sur les marchés clés de la région : selon une étude de Choueiri Group, il est de 59 % de la population des internautes en Arabie saoudite, de 70 % aux Émirats arabes unis, et 83 % en Égypte.
Selon le site Statista, le marché de détail de la musique au Moyen Orient et en Afrique du Nord a pesé 200 millions de dollars (185 M€) en 2022, et devrait atteindre 300 millions de dollars (278 M€) en 2027. Le cabinet d’études indien Redseer estime que le nombre d’utilisateurs du streaming musical dans la région devrait tripler d’ici à 2030 ; que le nombre d’abonnés devait être multiplié par quatre ; et que l’ARPU (revenu moyen par utilisateur) devrait croitre de manière sensible.
La plateforme de streaming musical d’origine libanaise Anghami, désormais basée à Abou Dhabi (Emirats Arabes Unis) et cotée au Nasdaq depuis le mois de février 2022, qui revendique 120 millions d’utilisateurs enregistrés, domine largement le marché du streaming régional. Fin avril 2024, la compagnie revendiquait 1,87 millions d’abonnés dans la région, un chiffre en hausse de 18 % sur un an. La croissance de ses revenus en provenance de l’abonnement au premier trimestre 2024 a été de 27 % sur un an. Ses principaux marchés sont dans l’ordre l’Egypte, les Emirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite, le Liban, la Jordanie et le Maroc.
Des perceptions de droits d’auteur à leur plus haut niveau historique
Les perceptions de droits d'auteur de la musique au niveau mondial ont augmenté de 7,6% en 2023, atteignant 11,75 milliards d'euros, selon le dernier bilan annuel publié par la CISAC (Confédération internationale des sociétés d’auteurs-compositeurs)5. Cette croissance fait suite à une augmentation exceptionnelle de 29% en 2022, attribuée à la reprise post-Covid. Le numérique, qui a pesé 38,5% du total des droits perçus, a été un moteur clé de cette croissance. Ses revenus ont plus que doublé depuis 2019 (+119,4%), pour atteindre 4,52 milliards d'euros en 2023.
Les droits d’exécution publique en provenance du spectacle vivant et des lieux sonorisés, qui pèsent 26,1 % du total, à hauteur de 3,06 milliards d’euros, sont ceux qui ont connu la plus forte croissance en 2023 (+ 21,8 %). Leurs perceptions ont dépassé pour la première fois leur niveau de 2019 (+12,7 %). Ceux en provenance des médias (radio et télévision), qui pèsent 28,7 % du total, ont en revanche reculé de 5,3 % sur un an, à hauteur de 3,35 milliards d’euros, alors que leurs perceptions s’affichaient à la hausse en 2022.
Le spectacle vivant dégage désormais plus de droits d’exécution publique pour les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique dans le monde que les lieux sonorisés, et leurs droits en provenance du numérique excèdent ceux en provenance des médias, qui furent longtemps leur principale source de revenus. Un fossé qui se creuse de plus en plus : à titre de comparaison, le numérique ne représentait qu’environ 5 % des collectes il y a dix ans, contre la moitié pour la radio et télédiffusion.
Les ventes de CD et DVD ont généré 380 millions d’euros de droits d’auteur en 2023 (+ 6 % sur un an), montant qui s’affiche toujours en recul de 9,5 % par rapport à 2019. Les revenus de la copie privée ont progressé de 11,9 % sur la période, à hauteur de 278 millions d’euros, contre une baisse de 8,7 % en 2022. Leur niveau est supérieur de 27,1% à celui de 2019.
Les Etats-Unis, avec des perceptions qui ont progressé de 8,1 % en 2023, à hauteur de 2,8 milliards d’euros, sont le pays qui a généré le plus de droits d’auteur pour la musique l’an dernier, devant la France (+ 5,1 % à 1,4 milliard d’euros) et le Royaume Uni (+ 7,1 % à un milliard d’euros). L’Europe pèse plus de la moitié (51,1 %) des droits d’auteur perçus en 2023, à hauteur de 6 milliards d’euros (+ 8,3 % sur un an), devant l’Amérique du Nord, qui représente 27,1 % du total, à hauteur de 3,18 milliards d’euros (+ 7,9 % sur un an).
Des montants de perception records en Europe
Les perceptions de droits d’auteur sont restées stables en Asie Pacifique (- 0,3 %). Pour la deuxième année consécutive, l'Amérique latine, où elles ont atteint 694 millions d'euros, est la région où leur croissance a été la plus forte (+26,2 %). Les droits d’exécution publique en provenance du spectacle vivant et des lieux sonorisés y ont progressé de plus de 50%. Le Mexique est le pays où les perceptions de droits d’auteur ont le plus augmenté en 2023 (+ 35 %).
En Europe, les trois plus grosses sociétés d'auteurs - la Sacem, la Gema et PRS for Music - ont fait de nouveau état de montants de perception et de répartition de droits d'auteur records en 20236. Début juin 2024, la Sacem dévoilait un niveau de collecte de droits d’auteurs en hausse de 5 % sur un an, à hauteur de 1,48 milliard d’euros. Boostées par le dynamisme du secteur de la musique live, ses perceptions de droits généraux ont progressé de 18,5 % par rapport à 2022, à hauteur de 388 millions d’euros.
Ses perceptions de droits en provenance du numérique - incluant les montants collectés au titre des accords conclus avec des éditeurs internationaux et des OGC étrangères - ont progressé de 13 % sur un an, à hauteur de 557 millions d’euros. Les droits d’exécution publique en provenance de la radio et de la télévision s’affichent en baisse de 4 % sur un an, à 318 millions d’euros.
Outre-Manche, la société d’auteur anglaise PRS for Music a enregistré une hausse de ses perceptions de 12,5 % sur un an en 2023, au niveau record de 1,08 milliard de livres sterling (1,27 md€). Tous les postes de perception de PRS for Music s’affichent à la hausse sur l’ensemble de l’année, qu’il s’agisse des droits en provenance du numérique (+ 23,2 % sur un an), de l’international (+ 19,35 %), de la musique live (+ 24,4 %), des médias (+ 9,3 %) ou des lieux sonorisés (+ 2 %). En l’espace de dix ans, le montant des droits perçus par PRS for Music a plus que doublé (+ 111,2 %).
Outre-Rhin, les perceptions de la société d’auteurs allemande Gema ont elles aussi atteint un niveau record en 2023, à hauteur de 1,27 milliard d’euros, soit une hausse de 8,4 % sur un an en grande partie liée à la reprise du secteur du spectacle vivant, qui a généré 51 millions d’euros de droits d’exécution publique de plus que l’année précédente (+ 44 %). Elargies aux lieux sonorisés, les perceptions de droits d’exécution publique par la Gema ont progressé de 24 % sur un an, à 444 millions d’euros. Ceux en provenance de la radio et de la télévision ont reculé de 6,2 %, à 305 millions d’euros. Les droits en provenance du numérique ont atteint 310 millions d’euros (+ 3 %).
En 2022, le montant cumulé des droits d’auteur perçus par la Sacem, PRS for Music et la Gema avait atteint 3,7 milliards d’euros, soit 34,4 % des droits d’auteur de la musique perçus au niveau mondial, qui s’étaient élevés à 10,83 milliards d’euros selon la Cisac. Ce même montant cumulé a atteint 4,01 milliards d’euros en 2023, soit une hausse de 8,3 % sur un an.
Un produit global du copyright de la musique en forte hausse
Tous types de droits confondus (droits d’auteur et droits voisins), le produit du copyright de la musique (incluant les revenus directs des éditeurs, comme la synchronisation) a pesé 45,5 milliards de dollars en 2003 (43,4 Md€), selon le pointage effectué chaque année par Will Page, ex-économiste en chef chez PRS For Music et Spotify, sur la base des données publiées par l'IFPI, la CISAC, et la Confédération internationale des éditeurs de musique7. Ce chiffre est en progression de 11 % sur un an et de 26 % par rapport à 2021.
Will Page met en évidence la nature déséquilibrée de la croissance du streaming en valeur et en volume de consommation dans les différents régions du monde, avec une explosion des volumes d’écoute sur les marchés émergents, mais une forte concentration de la valeur sur les marchés développés. Ainsi l’Amérique du Nord et l’Europe ont-elles pesé 80 % des droits d’auteur et droits voisins générés l’an dernier par le streaming dans le monde pour 48 % de la consommation en volume, selon son pointage, et l’Amérique Latine et l’Asie (hors Japon) 12 % des droits générés pour 46 % des volumes de consommation.
Les Etats-Unis, le Royaume Uni et la Suède restent les plus gros exportateurs net de musique - pays dont le ratio d'exportation par rapport aux importations est supérieur à 1 -, la popularité croissante de la K-pop permettant à la Corée du Sud de se classer en 4ième position. Will Page observe par ailleurs une diminution des échanges entre les sociétés de gestion collective, ce qu'il attribue à la domination croissante des répertoires locaux sur leurs marchés respectifs, phénomène qu’il avait déjà mis en évidence en Europe et qu’il qualifie de “glocalisation” du marché de la musique.
Une glocalisation des marchés européens
Selon une étude publiée en mai 2023 par la London School of Economics réalisée par Will Page et par Chris Dalla Riva, spécialiste de l’analyse de données chez Audiomack8, les artistes britanniques ont occupé la totalité du Top 10 anglais de la fin 2022. La plupart des artistes du Top 10 allemand étaient allemands : nombre de ceux classés dans le Top 10 italien étaient italiens ; et toutes les chansons du Top 10 espagnol étaient chantées en espagnol.
Sur la base de données de marché de Luminate, de Chartmetric et de l’IFPI, les auteurs observent que la majorité des pays étudiés ont vu une augmentation de la part de la production locale dans leurs Top 10 des chansons et des artistes les plus populaires en 2022, cinq pays - l’Italie, la Pologne, la Suède, le Royaume Uni et la France - ayant particulièrement bénéficié de cet effet de glocalisation. C’est en Pologne que les effets de la glocalisation ont été les plus significatifs, la part du répertoire local étant passée de 10 % du Top 10 des chansons en 2012 à 70 % en 2022.
En France également, le streaming a été une bénédiction inattendue pour le répertoire local, en particulier pour le rap, qui a placé six titres dans le Top 10 de 2022. Cette part de marché du répertoire local dans les classements officiels décline évidemment, et devient même souvent minoritaire, lorsque on étend l’observation au Top 40 et au Top 100. En 2022, c’est en Italie que la part du répertoire local est restée la plus importante dans le Top 100 des chansons (66 %), devant la Pologne (54 %), la France (46 %) et le Royaume Uni (45 %). Elle a été de 35 % en Espagne, et de 32 % en Allemagne et aux Pays-Bas.
Autre constat, la part de marché de l'anglais dans les classements a diminué entre 2012 et 2022 dans cinq pays : Italie, Pologne, Suède, France et Espagne, le seul pays à avoir connu une légère augmentation étant l'Allemagne. L’Irlande (40 %), le Royaume Uni (34 %) et l’Allemagne (30 %) sont les pays où la part du répertoire américain dans le Top 100 des chansons a été la plus élevée en 2022. Elle n’a été que de 16 % en France, de 11 % en Italie et de 6 % en Espagne. La part du répertoire anglais a été respectivement de 12 %, 8 % et 5 % dans ces trois pays.
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