Story Protocol veut rendre la propriété intellectuelle programmable
La start-up américaine PIP Labs, qui a déjà levé plus de 130 millions dollars, a développé un protocole de blockchain permettant de "jetoniser" la gestion de toute forme de propriété intellectuelle.
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A l’heure de l’intelligence artificielle générative, des réseaux sociaux et des plateformes UGC (User Generated Content) en tout genre, la gestion de la propriété intellectuelle d’une création, quelque soit son format (texte, image, audio), ainsi que celle des autorisations et de la monétisation de ses nombreuses exploitations désormais rendues possibles, devient de plus en plus complexe.
Les ayants droit d’une musique du commerce peuvent, par exemple, refuser qu’elle puisse intégrer des corpus d’enregistrements destinés à entraîner des IA musicales génératives, ou l’autoriser sous certaines conditions1, tout en permettant son remix, sa synchronisation avec des vidéos UGC sur Youtube ou des mèmes2 sur Tiktok, voire l’extraction des ses stems3 pour réaliser des mashups4, si tant est que certaines conditions de monétisation soient garanties.
C’est à cette problématique d’une gestion de plus en plus complexe des droits afférents à une création que cherche à répondre la start-up américaine PIP Labs (Programmable Intellectual Property Labs). Fondée en 2022 et basée à Washington, PIP Labs a développé sa propre blockchain de niveau 1, The Story Network (Story), sur laquelle n’importe quelle propriété intellectuelle (une musique, un texte, une photo, une création graphique, la voix synthétisée d’un chanteur…) peut être enregistrée comme NFT (ou jeton non fongible).
Une API pour chaque IP
Rien de nouveau sous le soleil - Story permettant, comme les autres blockchains, d’enregistrer des titres de propriété dans un registre informatique décentralisé -, sinon que son protocole ajoute à ce premier niveau une couche de programmation des actifs de propriété intellectuelle ainsi “jetonisés” : à la manière d’Ethereum, dont le protocole permet de programmer la gestion de NFT enregistrés sur sa blockchain, grâce à des smart-contracts auto-certifiés qui s’exécutent automatiquement.
C’est ce qui va permettre de doter individuellement chaque actif de propriété intellectuelle enregistré sur Story, à partir de modules de licence paramétrables, d’une forme d’API, ou interface de programmation, avec laquelle pourront interagir les développeurs d’applications, d’IA générative ou autre. Le protocole de Story offre des fonctions de suivi de la provenance, d'octroi direct de licences on-chain, et de gestion automatisée du partage des revenus. Compatible avec la Machine Virtuelle d’Ethereum (EVM), il est interopérable avec d'autres écosystèmes de blockchain
Lors de l’enregistrement d’une oeuvre dérivée sur Story (comme par exemple l’adaptation d’une chanson dans un autre style par une IA), la propriété intellectuelle originale est créditée dans le nouvel NFT, son créateur ou ayant droit devenant automatiquement éligible, selon les termes de la licence qu’il lui a rattachée, à un partage systématique des revenus générés par l’oeuvre dérivée.
“Notre objectif est de mettre toute la propriété intellectuelle, tous les médias, toute la culture sur une blockchain, et de permettre aux créateurs qui enregistrent un propriété intellectuelle au niveau programmable des protocoles de Story de définir la manière dont elle peut être licenciée, remixée, monétisée par des tiers”, confie Seung Yoon Lee, co-fondateur et PDG de PIP Labs, sur la chaîne Youtube de Story Protocol5.
Gestion individuelle vs. gestion collective
Jeune entrepreneur sud-coréen, Seung Yoon Lee fut le fondateur en 2016 de Radish Fiction, une plateforme de lecture mobile basée aux Etats-Unis proposant des romans et livres audio sérialisés dans divers genres (romance, fantasy, suspense, mystère, etc.), qu’il a revendue en 2021 à Kakao Entertainment, division de divertissement du géant internet coréen Kakao, pour 440 millions de dollars.
L’autre co-fondateur de PIP Labs est Jason Zhao, un ancien de la plateforme d’échange de cryptos Coinbase et de Deepming, filiale de Google spécialisée dans la recherche en intelligence artificielle. La compagnie vient de boucler une levée de fonds de série B d’un montant de 80 millions de dollars, auprès d’un tour de table conduit par le fonds d’investissement californien Andreessen Horowitz (a16z), qui porte à 134 millions de dollars la totalité des fonds levés depuis sa création, et la valorise à hauteur de 2,25 milliards de dollars.
Connu pour ses prises de position contre toute réglementation du développement des IA génératives, ou toute forme de licence légale obligatoire des corpus d’oeuvres utilisés pour leur entrainement, le fonds a16z a déjà conduit les précédentes levées de fonds réalisées par PIP labs, qui introduit un système de gestion individuelle des droits de propriété intellectuelle susceptible de défier le principe de leur gestion collective, dans lequel c’est le code qui fait loi.
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Comme la préexistence d’une licence légale sur un territoire donné ou la garantie de pouvoir exercer leur droit d’autoriser au cas par cas
Contenus viraux
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Compositions réalisées en superposant des extraits de plusieurs chansons
Building Programmable IP with Story Protocol, by Jason Zhao, Youtube, 28 mars 2024