Warner Music renonce à racheter Believe
La perspective que Believe puisse perdre son indépendance en passant sous les fourches caudines de la major de la musique, qui avait suscité quelques inquiétudes, n'est plus aujourd'hui d'actualité.
Dans un communiqué de presse de trois lignes publié à la date butoir du 6 avril1, à laquelle la maison de disques devait faire connaître ses intentions, Warner Music a indiqué avoir renoncé, “après mûre réflexion”, et au terme d’une procédure de “due diligence” qui lui a permis d’analyser tous les mouvements et statuts financiers actuels et passés de la société, à faire une offre ferme et définitive de rachat du distributeur numérique indépendant français Believe. La major de la musique avait manifesté son intérêt pour une acquisition de la société dans un communiqué publié le 7 mars dernier2, qui l’aurait amenée à surenchérir sur l’offre antérieure d'un consortium dirigé par son fondateur et PDG Denis Ladegaillerie.
Le 12 février dernier, le dit consortium, composé du fonds d’investissement américain TVC Capital et du fonds suédois EQT Partners, associés au PDG et fondateur de Believe, avait soumis au conseil d’administration de la compagnie une offre de rachat de ses actions dont il n’était pas encore détenteur au prix de 15 € par action3 - soit une prime de 21 % sur son dernier cours de Bourse, qui était de 12,40 euros, et une valorisation de la compagnie à hauteur de 1,46 milliard d’euros. Warner Music ayant indiqué pouvoir offrir au moins 17 euros par action, soit une valorisation de 1,65 milliard d’euros, le conseil d'administration de Believe avait invité la major américaine à lui soumettre une offre ferme.
En amont de son offre, qui reste effective, le consortium dirigé par Denis Ladegaillerie s’était engagé à acquérir les participations de TCV Luxco BD, Ventech et XAnge, actionnaires historiques de Believe, représentant respectivement 41,14%, 12,03% et 6,29% de son capital. Avec l’apport d’une partie des actions de Denis Ladegaillerie, à hauteur de 11,17 % du capital, et sa cession de la partie restante de 1,29 % au consortium, la participation de ce dernier s’élèvera alors à 71,92 %. Le consortium a par ailleurs indiqué avoir obtenu d'autres actionnaires de la société qui détiennent 3 % de son capital l’engagement d'apporter leurs actions à son offre. Suite à la réalisation de ces opérations, le consortium déposera une offre publique d'achat obligatoire (OPA) pour les actions restantes.
"Depuis son introduction en Bourse, Believe poursuit une excellente dynamique de croissance lui ayant permis d'atteindre, deux ans en avance, les objectifs fixés lors de la cotation. Cependant, la solidité de sa performance opérationnelle ne s'est pas reflétée dans l'évolution du cours de Bourse", regrettait il y a quelques semaines son PDG Denis Ladegaillerie.
Son objectif de privatiser la société et de la sortir de la cote sera atteint si cette OPA, accueillie favorablement à l’unanimité par le conseil d’administration de Believe, lui permet de réunir plus de 90 % des actions de la compagnie, niveau nécessaire à la mise en œuvre d'un retrait obligatoire de la Bourse. Un comité ad-hoc indépendant, constitué pour statuer sur l’équité de l’offre d’un point de vue financier, doit encore se prononcer. En cas d’avis motivé favorable de sa part, l'offre publique d'achat devrait être déposée auprès de l'AMF (Autorité des marchés financiers) au cours du deuxième trimestre 2024.
Depuis son introduction à Euronext Paris en juin 2021, Believe a connu un parcours boursier chaotique. Première entreprise bénéficiant du label "French Tech" à s'introduire sur le marché tricolore, la compagnie a vu son action grimper jusqu’à 19,50 euros le premier jour de cotation, avant que sa valeur ne dégringole et passe sous les 8 euros fin octobre 2023, ce qui ne reflétait pas la dynamique opérationelle du groupe. "Depuis son introduction en Bourse, Believe poursuit une excellente dynamique de croissance lui ayant permis d'atteindre, deux ans en avance, les objectifs fixés lors de la cotation. Cependant, la solidité de sa performance opérationnelle ne s'est pas reflétée dans l'évolution du cours de Bourse", regrettait il y a quelques semaines son PDG Denis Ladegaillerie4.
Si Believe est en avance de deux ans sur son plan d’affaires moins de trois ans après son introduction, la logique voudrait que le prix de 2024 (15 euros) soit plus élevé que celui de 2021 (19,5 euros), d'autant que dans l’intervalle la Bourse a été bonne”, suggère un spécialiste
Plusieurs observateurs de marché estiment que le prix de 15 euros proposé par le consortium qu’il dirige ne traduit pas la juste valeur de Believe. "J’ai toujours pensé que la société a été introduite en Bourse sur une valorisation stratosphérique, mais a contrario, je considère que compte tenu des efforts faits depuis trois ans, la prime offerte est un peu chiche", fait valoir l’un d’entre eux5. A date, l’offre du consortium ne valorise la compagnie qu’à hauteur de 1,64 fois son chiffre d’affaires de 2023, contre 4,6 fois pour la capitalisation boursière de Spotify, 2,95 fois pour celle de Warner Music, et 4,5 fois pour celle d’Universal Music.
“Si Believe est en avance de deux ans sur son plan d’affaires moins de trois ans après son introduction, la logique voudrait que le prix de 2024 (15 euros) soit plus élevé que celui de 2021 (19,5 euros), d'autant que dans l’intervalle la Bourse a été bonne”, suggère un autre spécialiste6. La croissance de la compagnie, par ailleurs, a été supérieure à celle du marché de la musique. Son retrait de la Bourse permettrait à ses actionnaires historiques TCV Luxco BD, XAnge et Ventech, qui détiennent un peu moins de 60 % du capital, de réaliser leur sortie. Et à Believe de lever des fonds sur la base d’une meilleure valorisation de gré à gré pour financer sa croissance.
L’expertise indépendante permettra de trancher. L’OPA du consortium devra obtenir également l’aval de l’AMF. La perspective que Believe puisse perdre son indépendance en passant sous les fourches caudines de Warner Music, qui avait suscité quelques inquiétudes - à l’UPFI (Union des producteurs français indépendants)7 ou à l’AIM (Association of Independent Music)8 -, n’est cependant plus d’actualité.
Lire également :
Statement from Warner Music Group Regarding Believe, Warner Music Group, communiqué de presse, 6 avril 2024
Warner Music Group Confirms its Indication of Interest in Relation to French Digital Music Company Believe SA, Warner Music Group, communiqué de presse, 7 mars 2024
Believe has received a proposal from a consortium to make an offer for all outstanding shares at 15 euros per share, Believe, communiqué de presse, 12 février 2024
OPA sur Believe : une offre a minima, La Bourse au Quotidien, 16 février 2024
Pourquoi le prix proposé pour sortie Believe de la Bourse de Paris est-il jugé tro chiche ?, BFM Bourse, 24 février 2024
Believe / Warner : l’indépendance en danger, UPFI, communiqué de presse
AIM boss says WMG’s Believe bid is ‘gravely concerning’ for indies, music:)ally, 8 mars 2024