Un marché français de la musique enregistrée moins dynamique
La croissance du streaming a été la plus faible enregistrée depuis 2016, selon les derniers chiffres du marché publiés par le SNEP, qui fait état d'une progression globale des ventes de 6,2 % en 2023.
La croissance des ventes de gros de musique enregistrée en France (hors droits voisins et synchronisation) a été de 6,23 % en valeur en 2023, à hauteur de 815 millions d’euros, selon les derniers chiffres du marché publiés par le SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique)1. Les revenus du streaming, qui ont pesé 75 % du total, n’ont progressé que de 9,2 % sur un an, à hauteur de 609 millions d’euros, enregistrant leur plus faible taux de croissance annuel depuis 2016. De quoi susciter l’inquiétude des producteurs de phonogrammes français, qui se plaignent du faible taux de pénétration de l’abonnement sur notre territoire comparativement à d’autres marchés.
Une croissance du streaming qui marque le pas
En nombre d’abonnés rapporté à la population des internautes, ce taux de pénétration n’est que de 16 % en France, contre 17,5 % en Allemagne, 26,5 % au Royaume Uni, et 30,1 % aux Etats-Unis. “Avec 12 millions de comptes payants et environ 17 millions d’utilisateurs (en incluant les offres duos et familles), le streaming par abonnement gagne tout juste un million d’unités chaque année depuis 3 ans”, constate le SNEP. “La dynamique est globalement positive, mais la progression ralentie des revenus du streaming par abonnement reste trop faible pour nourrir pleinement le développement du marché alors que c’est la première source de création de valeur”, indique t-il.
Selon nos calculs, offres gratuite et payante confondues, le taux de croissance annuel moyen (TCAM) des revenus du streaming, qui ont été multipliés par trois entre 2016 et 2023, a été de près de 20 % sur la période. Mais cette croissance s’est nettement ralentie ces dernières années, le TCAM du streaming chutant de 27 % sur la période 2016 -2019 à 13 % sur la période 2020 - 2023, quand celui du marché global progressait, passant de 4,4 % sur la période 2016 - 2019 à 6,5 % sur la période 2020 - 2023, du fait notamment d’une bonne résilience du marché physique.
La résilience du marché physique
En 2023, les ventes physiques n’ont baissé que de 1,17 % sur un an, à hauteur de 194 millions d’euros, soit près de 24 % du total, quand elles pesaient encore 56 % des ventes de gros en 2016. Leur baisse a été de 57 % en valeur dans l’intervalle. Elles n’ont pas véritablement renoué avec la croissance depuis, à l’exception d’une progression exceptionnelle en 2021 (+ 21 % en valeur sur un an), consécutive à une baisse presque équivalente en 2020 liée à la crise sanitaire (- 20 %), mais leur recul s’est nettement ralenti, leur TCAM passant de - 8 % sur la période 2016 - 2019 à - 4 % sur la période 2020 - 2023.
“En France, plus de 15 millions d’unités physiques ont été vendues en 2023, dont plus de 10 millions de CD, soit deux fois plus que de vinyles (5,5 millions)”, relate le SNEP, qui loue la subsistance d‘un “réseau de distribution toujours puissant et atypique […] comparé à celui de la plupart de nos voisins : grandes surfaces spécialisées notamment, avec des enseignes comme FNAC, espaces culturels Leclerc et Cultura, format qui n’existe pas à l’identique dans les autres pays, ainsi qu’un important réseau de disquaires indépendants - renforcé ces dernières années avec l’engouement pour le vinyle”.
D’autres marchés européens plus dynamiques
L’un dans l’autre, le marché français de la musique enregistrée s’est avéré moins dynamique que certains de ses voisins européens l’an dernier. Au Royaume Uni, hors droits voisins et synchronisation, la progression du marché de gros a été de 8,8 % sur un an, selon les chiffres publiés par la BPI (British Phonographic Industry)2, à hauteur de 1,23 milliard de livres sterling (1,44 Md€), avec une croissance certes inférieure du streaming - + 8,4 %, à hauteur de 962 millions de livres sterling (1,12 Md€) -, mais un véritable rebond du marché physique - + 12,8 %, à hauteur de 243 millions de livres sterling (284 M€).
En Espagne, la progression du marché de détail a été de 15,5 % sur un an en 2023, selon le syndicat des producteurs espagnols Promusicae3, à hauteur de 465,6 millions d’euros, avec un marché physique en hausse de 9,6 %, et une croissance des revenus du streaming de 16,8 %. Le marché allemand est celui dont le profil se rapproche le plus du marché français. Ses ventes de détail ont progressé de 6,3 % l’an dernier, selon la BVMI (BundesVerband MusikIndustrie)4, à hauteur de 2,21 milliards d’euros. La croissance des revenus du streaming, qui pèse les trois-quart du marché de détail, n’a été que de 8,5 % sur un an, et le marché physique est resté stable (+ 0,1 %).
La production musicale française en 2023, croissance et nouveaux challenges, SNEP, 11 mars 2024
Spanish Recorded Music Market 2023, Promusicae, 12 mars 2024
Studie zu Zahlungen der Musikindustrie + Jahresbilanz des Musikmarktes 2023, BVMI, 6 mars 2024
La croissance faible du streaming payant est due en grande partie à la mauvaise évangélisation du marche opérée depuis trop longtemps par Deezer et ce n'est pas fini : cette plateforme continue à faire des offres de 3 mois gratuits à tout va ce qui envoie de très mauvais messages aux consommateurs. Mais ils sont sans doute coincés, ayant perdu pratiquement la moitié de leurs parts de marché entre 2018 et 2023 : sans ce racolage la situation sur le papier serait pire pour eux. Jamais Spotify, désormais leader en France, n'a bradé ses offres et cela fait une grande différence.