Modèle "artist-centric" de Deezer, le seuil de la discorde
Si la plupart des dispositions du modèle “artist centric” de Deezer a été plutôt bien accueillie, le seuil de 1000 écoutes mensuelles par 500 auditeurs pour distinguer un artiste pro pose question.
Warner Music est la deuxième major de la musique à rejoindre l’expérimentation, limitée pour l’instant au territoire français, d’un nouveau mode de répartition “artist centric” des revenus du streaming introduit par Deezer, et déjà mis en oeuvre sur tout le catalogue de sa consoeur Universal Music depuis début octobre1. “Nous nous engageons à travailler avec les plateformes de streaming pour faire évoluer les modèles économiques afin de mieux refléter la valeur et l'engagement des fans envers les artistes”, a commenté Alain Veille, président de Warner Music France2.
Fin octobre, la Sacem (Société des auteurs et compositeurs de musique) annonçait sa volonté de rejoindre l’initiative de Deezer, pour “explorer de nouvelles méthodes de redistribution de la valeur des écoutes en streaming pour les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique avec pour objectif de leur assurer une rémunération plus équitable”3. Quelques semaines auparavant, le label et distributeur indépendant français Wagram Music fut le premier acteur de la filière phonographique en France à annoncer la signature d’un accord avec la plateforme de streaming pour expérimenter son nouveau mode de répartition4.
“Nous soutiendrons toute initiative similaire visant à améliorer le modèle de distribution actuel, à développer la valeur de la musique, tout en respectant les règles de la concurrence, le pluralisme et la diversité”, confiait son président Stephane Bourdoiseau. Ni Sony Music, ni aucun autre fleuron de la production ou de la distribution indépendantes françaises, n’ont encore fait part officiellement de leurs intentions.
Des écoutes qui peuvent peser jusqu’à huit fois plus que d’autres
Le nouveau mode de répartition “artist centric” introduit par Deezer et Universal Music prévoit, en amont d’une répartition au pro-rata du nombre d’écoutes des revenus du streaming, de doubler le poids des écoutes d’artistes totalisant plus de 1000 écoutes par mois par 500 utilisateurs uniques (seuil définissant pour Deezer un “artiste professionnel”). Il prévoit également de doubler le poids des écoutes actives, qui se différencient des écoutes passives en ce qu’elle ne sont pas le fruit d’une programmation algorithmique.
Deezer entend par ailleurs démonétiser le flot continue de "sons parasites non artistiques" qui abondent son catalogue via les plateformes de distribution directe - musiques dites “fonctionnelles” (pour méditer, s’endormir, etc.) composées avec l’intelligence artificielle ou pistes non musicales -, que la plateforme se fait fort de détecter et remplacer par ses propres contenus, lesquels ne seront pas monétisés à son profit. Une dernière mesure, enfin, passée plus inaperçue, fixe un seuil de 1000 écoutes mensuelles par auditeur unique au delà duquel le poids de chaque écoute sera divisé par deux dans le calcul de la rémunération au pro-rata.
Pour Ludovic Pouilly, responsable des relations avec les ayants droit de la musique chez Deezer, cela revient à introduire une dose de “user centric” dans le modèle de rémunération au pro-rata (ou “market centric”) des écoutes. C’est “une sorte de compromis entre le market-centric et le user-centric qu'on va installer pas à pas. Pour un heavy user qui fait 2000 streams par mois, ces streams seront valorisés à 0,5 au delà de 1000 streams. On réduit ainsi l'impact des heavy users dans le cadre du market-centric”, explique t-il5.
De quoi compenser, au moins en partie, l’un des principaux biais du modèle de répartition au pro-rata : la surpondération des gros utilisateurs dans l’allocation des revenus du streaming. “En fonction de son âge et de ses occupations, poursuit Ludovic Pouillet, on n'a pas forcément le même temps libre pour écouter de la musique, or on le sait, les plus jeunes sont les utilisateurs les plus intensifs de nos services et dans le cadre d'un pot commun avec le market centric, cela à tendance à favoriser les artistes à la mode dans cette tranche d'âge”.
Ce cap de 1000 écoutes est un premier pas : “Il est susceptible de baisser, jusqu’à la moyenne (750) ou la médiane (350) du nombre d’écoutes mensuel, ce qui serait un moyen d'aller vers un système plus équitable, sans l'impact d'un changement radical du jour au lendemain”. Ainsi, selon le nouveau modèle de répartition “artist centric” de Deezer, l’écoute active d’un artiste “professionnel” par un auditeur n’ayant pas franchi le cap de 1000 écoutes mensuelles pèsera huit fois plus que l’écoute passive d’un artiste “non professionnel” par un auditeur ayant franchi ce cap.
Un système de “Robin des Bois inversé”
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à @music_zone pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.