L'IA musicale générative, un marché de 3,1 milliards de dollars en 2028
Selon une étude de Geomedia, le marché des applications d'IA musicale générative a pesé 300 millions de dollars en 2023, et connaîtra une croissance moyenne annuelle de 60 % d'ici à 2028.
Le marché des applications musicales d’intelligence artificielle générative a représenté 8 % d’un marché global de l’IA générative estimé à 3,7 milliards de dollars en 2023, et généré un chiffre d’affaire de l’ordre de 300 millions de dollars. C’est ce que révèle une étude réalisée par Geomedia1 pour le compte des sociétés d’auteurs allemande et française Gema et Sacem rendue publique cette semaine, qui se penche également sur les opportunités et les défis que représente l'IA en matière de création, d'édition, de post-production, de marketing, de promotion et de distribution musicales.
Le marché de l’IA musicale générative devrait connaître une croissance moyenne annuelle de 60 % au cours des cinq ans à venir, et atteindre un chiffre d’affaires de 3,1 milliards de dollars en 2028, estime Geomedia, qui s’appuie sur des données de S&P Global Market Intelligence2 et Market.us3. “Cela signifie que dans quelques années seulement, ce marché atteindra une taille correspondant à 28 % des droits d'auteur perçus par la musique en 2022”, indique les auteurs. Selon l’enquête réalisée pour les besoins de l’étude auprès de plus de 15 000 auteurs et créateurs de musique membres de la Gema et de la Sacem, ils sont 71 % à craindre que le recours à ces nouvelles technologies en matière de création musicale n’impacte leur capacité à vivre de leur activité.
Un manque à gagner potentiel conséquent pour les auteurs
26 % d’entre eux considèrent que la musique créée par des humains est de plus en plus remplacée par celle générée par l’IA. “Il faut s’attendre à une concurrence de plus en plus prédatrice pour les créateurs, en particulier dans les domaines où l'IA est susceptible de remplacer les humains”, explique Geomedia, qui estime que d’ici à 2028, 27 % des revenus des auteurs et créateurs de musique seront menacés, soit un manque à gagner potentiel de 950 millions de dollars pour la seule année 2028, et un préjudice total cumulé d’environ 2,7 milliards de dollars sur les cinq ans à venir.
Le secteur de la librairie musicale est particulièrement exposé. “Les compositeurs du secteur audiovisuel – qu’il s’agisse du cinéma, de la télévision, de la radio, de la publicité ou des formats en ligne – craignent particulièrement que leurs moyens de subsistance ne soient soumis à une pression massive de l’IA”, confie Helmut Zerlett, un compositeur de musiques de film, producteur et musicien membre de la Gema. “Le marché de la musique d'ambiance […] est probablement déjà alimenté à plus grande échelle par de la musique générée par l'IA”, indique Geomedia, qui estime que dans ce secteur, le processus de substitution est déjà en cours.
La question est d’autant plus sensible qu’à défaut d’être rémunérés pour l’utilisation de leurs oeuvres à des fins d’entrainement des modèles d’IA musicale générative, les auteurs et créateurs de musique ne bénéficieront pas de la croissance exponentielle de ce marché. La grande majorité d’entre eux exige que toute la transparence soit faite systématiquement sur les corpus d’oeuvres utilisées pour entrainer les modèles (95 %), de pouvoir exercer leur consentement (90 %), d’être crédités et de bénéficier d’une compensation financière (90 %). Ils sont 93 % à exiger que les décideurs politiques accordent plus d'attention aux défis liés à l’IA et aux droits d’auteur.
“Malgré les différents domaines d'application et potentiels de l'IA dans la musique, environ les deux tiers (64 %) des auteurs de musique pensent que les risques liés à son utilisation l'emportent sur les opportunités. Seuls 11 % estiment que les opportunités l'emportent sur les risques”, indique Geomedia. Un quart des sociétaires interrogés pensent que les risques sont aussi importants que les opportunités. Plus les auteurs et créateurs interrogés sont âgés, plus ils estiment que les premiers l’emportent sur les seconds.
L’appropriation de l’IA par les créateurs est déjà une réalité
"L'IA est déjà là et il existe de réelles opportunités pour les créateurs qui sauront la saisir et donner naissance à de nouveaux genres musicaux, de nouvelles techniques de production et de distribution, et de nouvelles façons de se connecter avec leurs publics... Mais ces opportunités posent également des questions éthiques, sociales et économiques cruciales auxquelles nous devons répondre collectivement”, estime Christine Lidon, autrice et présidente du directoire de la Sacem. “Il ne fait aucun doute que les réglementations en matière de droit d'auteur doivent s'appliquer dans ce domaine”, considère pour sa part Ralf Weigand, compositeur et producteur, et président du Conseil de surveillance de la GEMA.
L’appropriation des outils d’intelligence artificielle est une réalité pour de nombreux auteurs et créateurs de musique. Sur les 15 000 membres de la Gema et de la Sacem interrogés par Geomedia, 35 % confient l’avoir déjà utilisée et 13 % en sont des utilisateurs potentiels. Mais un quart d’entre eux (26 %) préféreraient ne pas y recourir, et 19 % s’y refusent complètement. Ils ne sont que 11 % à déclarer avoir utilisé l’IA dans le processus de création (20 % des 25 - 34 ans), mais 43 % d’entre eux considèrent qu’elle peut permettre de développer de nouvelles formes de créativité, et 63% qu’elle sera probablement largement adoptée en matière de composition et d’écriture de paroles.
Le développement de l’IA musicale générative aura également un effet ambivalent dans l’environnement du streaming. Parmi les sociétaires de la Gema et de la Sacem interrogés, 72 % conviennent qu'en raison de la profusion de nouvelles musiques générées par l'IA, les problèmes de visibilité et de découvrabilité sur les plateformes de streaming vont s’accentuer. A contrario, l’IA favorisera le développement de nouveaux systèmes de recommandation innovants, qui offriront à des chansons et à des artistes peu connus la chance de devenir visibles. “Le potentiel de l’intelligence artificielle peut-être d’une grande utilité dans ce contexte”, estime Agnes Chung, co-fondatrice de Musicube, une start-up allemande qui a développé un moteur de recherche musicale sémantique basé sur l’IA, avant d’être rachetée par la place de marché électronique de musique pour l’image Songtradr.
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Generative AI software market to exceed $36bn in aggregate revenues by 2028, with 58% CAGR between 2023 and 2028, S&P Global Market Intelligence, juin 2023
Generative AI in Music Market to Reach Valuation of USD 2.6 Bn at CAGR of 28.6% by 2032, Market.us, avril 2023