Billy, une billetterie augmentée qui libère l'accès aux données
La start-up française Billy a conçu un écosystème de billetterie augmentée de propositions de valeur innovantes qui sécurise le second marché et libère l'accès aux données.
Vendre des albums au format physique, des articles de merchandising ou diverses expériences à vivre lors d’événements live en bundle avec les billets de concert, c'est ce que permet l'écosystème de billetterie augmentée conçue par la start-up française Billy1, lauréate de l’appel à projet Solutions de billetteries innovantes du ministère de la Culture lancé dans le cadre du plan d’investissement France 2030, et de l’un des trois Prix de l’Innovation 2024 délivré par le CNM (Centre national de la musique), lors des dernières Rencontres de l’innovation et des transitions dans la musique qui se sont tenues début juin à Lyon.
“C’est un moyen d’augmenter considérablement les revenus qu’un artiste tire de la billetterie et de mieux connaître et valoriser ses communautés de fans les plus engagées”, explique Etienne Vaast2, l’un des co-fondateurs de la compagnie, qui s‘est lancé dans l’aventure après un parcours de créatif de huit années en agence de pub, aux côtés d’Alex Nebout, un ancien de l’industrie musicale à la longue carrière de directeur artistique chez Wagram Music, Warner Music et Universal Music, et de Robin Champseix, ex-data scientist et ingénieur informatique au sein du cabinet de conseil en nouvelles technologies Octo Technology.
“Permettre de vendre des albums en bundle avec les billets de concerts répond à une vraie problématique des maisons de disques, qui vendent de moins en moins de disques physiques”, explique Alex Nebout. “Souvent, les pré-ventes d’albums sont lancées en même temps que les pré-ventes de la tournée. Mais si le consommateur achète volontiers le billet, il a rarement le réflexe d’acheter également le disque, qu’il pourra toujours écouter sur Spotify, Apple Music ou Deezer. Au final, beaucoup d’artistes ne s'y retrouvent pas sur le plan économique, observe t-il. Notre objectif est de simplifier le parcours du consommateur, qui en une seule démarche peut acheter l’album et le billet de concert”.
Des ventes d’albums en bundle qui sont certifiées
“A ce jour, Billy est la seule solution qui respecte les règles récentes fixées par le SNEP pour réaliser des ventes d’albums en bundle qui sont certifiées, précise Etienne Vaast. L’idée de vendre des albums avec les billets de concert n’est pas nouvelle, mais c’était quelque chose qui ne se faisait que de manière exceptionnelle et très artisanale, qui demandait beaucoup d'efforts de toutes les équipes, que ce soit du côté D2C3, label ou production. Parce que rien n'était automatisé”.
La solution développée par Billy automatise tout le processus, de la gestion des ventes et des flux financiers à celle du service après-vente, sans intervention humaine dans le traitement des commandes, ce qui est une condition sine qua non pour obtenir une certification du SNEP. “Nous avons simplement interfacé notre billetterie avec Shopify, qui est la plateforme de référence pour créer des e-boutiques permettant de réaliser des ventes directes de disques et de merchandising”, explique le co-fondateur de Billy.
En amont, les artistes, leur management ou leur label font appel à l’un des trois prestataires français - SNA-GZ4, Best of Both Worlds5 et Big Wax6 - susceptibles de leur fournir toute la logistique nécessaire : du pressage de vinyls, CD, DVD ou Blue Ray à la fabrication d’articles de merchandising personnalisés, en passant par le stockage, l’emballage et l’expédition. Elle fournissent également les API qui permettent d’interfacer les e-boutiques Shopify des artistes avec leur système d’information, et d’assurer un traitement entièrement automatisé des commandes.
“Il suffit d’ouvrir un compte sur Billy, ce qui prend cinq à dix minutes, et de créer un bundle, pour pouvoir le mettre très rapidement en vente, indique Etienne Vaast. En général, le compte Shopify de l’artiste et son site personnel existent déjà. Dès qu’une collection Billy est créée dans Shopify, les produits apparaissent directement dans notre billetterie. C’est là-dessus que nous avons vraiment innové, dans la simplification d’un parcours qui auparavant était très chaotique et incertain”.
A terme, l’objectif est de parvenir à désintermédier le plus possible la billetterie de l’artiste. ”Plutôt que de contraindre le public à venir sur notre plateforme, nous allons créer un module de billetterie que l’artiste pourra intégrer à son site. Notre vision, c'est de faire en sorte que le point de contact du fan soit l'artiste lui-même, et que sa billetterie soit accessible sur son site personnel, plutôt que chez un distributeur tiers comme Ticketmaster, France Billet, SeeTickets ou autre.”
Des expériences exclusives associées au billet
Les propositions de valeur que Billy permet d’associer à un billet de concert ne se limitent pas à la possibilité de vendre un album ou un article de merchandising en bundle. “On nous a demandé récemment, lors d’une tournée, de créer une catégorie de billets avec accès anticipé à la fausse, une heure avant le reste du public. Mais payer 10 € de plus pour cela n’est pas forcément perçu comme justifié. C’est pourquoi nous avons imaginé, pour offrir quelque chose de plus intimiste aux acheteurs, que l’artiste vienne leur interpréter une chanson a cappella en amont du concert”, raconte Alex Nebout.
Le socle de fonctionnalités développé par Billy, dont l’essentiel des effectifs est composé de développeurs, de codeurs et d’ingénieurs, permet de répondre à toutes sortes de demandes, comme celle, formulée lors d’une tournée récente, de diffuser un clip audio ou vidéo dans lequel l’artiste remercie l’acheteur du billet à l’issue de la confirmation de la vente. “Toute l'idée de Billy, c'est que ce soit simple à mettre en oeuvre et plus intéressant que ce qui existe, à la fois pour les producteurs de spectacles, pour les artistes, mais aussi et surtout pour le public. Et d’introduire beaucoup de créativité là-dedans”, commente Alex Nebout.
Billy permet également d’émettre, de préférence “lors de périodes de creux dans la cadence des ventes”, des tickets d’or sur le modèle de ceux de la chocolaterie Willy Wonka, dont l’un des acheteurs bénéficiera d’un cadeau caché en bonus : comme le privilège d’être convoyé en van de son domicile au lieu du concert en jouissant d’un accès au village VIP ; d’assister aux balances ; de suivre le spectacle depuis le bord de la scène ou depuis la console en façade ; ou de pouvoir inviter une tierce personne ; voire de rencontrer l’artiste backstage. Le principe a déjà été mis en oeuvre avec différents événements partenaires, comme le Hellfest, pour lequel 666 billets Billy Wonka ont été mis en vente l'année dernière.
“On s'est rendu compte que ça marchait très fort et que ça redynamisait les ventes, confie Alex Nebout. Le bénéficiaire fait savoir qu’il a gagné et ce qu’il a gagné sur les réseaux sociaux, et tout d'un coup, toute la communication de l'événement devient organique ; elle ne se fait plus du producteur vers le public mais du public vers le public”. Les équipes de Billy travaillent sur nombreuses autres idées de ce type, révèle t-il, propres à créer le buzz autour de l’artiste et de son événement, ou à améliorer l’expérience du fan. “Il y a tout un tas d'options qui sont en R&D chez nous, qu'on va annoncer au fur et à mesure au cours des mois à venir. C’est très excitant !”, indique t-il.
Une billetterie sécurisée de bout en bout
La préoccupation première des fondateurs de Billy a été de concevoir un système de billetterie sécurisé, qui ne soit pas exposé à la fraude, en s’appuyant dans un premier temps sur un registre décentralisé de type blockchain. “Dès le départ, on s’est dit que la blockchain pourrait beaucoup nous aider là-dessus. Mais on s'éloigne de ce socle technique aujourd'hui, parce qu’il nous bloque sur pas mal d'interfaçages, confie Etienne Vaast. Nous sommes par exemple en train d’intégrer le Pass Culture7 à Billy, de manière à permettre aux producteurs de mettre leurs billets en vente d’un clic dans l’appli dédiée, or c’est malheureusement impossible avec un socle blockchain.”
Billy ne renonce pas pour autant à la dimension Web3 initiale de sa billetterie. “On pourra toujours récupérer son billet sous forme de NFT si on souhaite le collectionner ainsi, c'est une feature qui est assez demandée par certaines communautés, comme le fait de pouvoir payer en crypto-monnaie. Par contre, nos billets ne seront plus émis par défaut comme des NFT”, explique Alex Nebout. “Pour solutionner le contrôle du second marché et prévenir la fraude, un registre privé et centralisé, qui impose de passer par la plateforme de Billy pour acheter, revendre ou annuler un billet et se faire rembourser, fait très bien l’affaire”, ajoute Etienne Vaast.
Si les billets vendus par Billy s’achètent sur le Web, comme chez n’importe quel autre intermédiaire, il ne peuvent être retiré qu’au sein de l’appli de la billetteterie, qu’il faut installer au préalable sur son mobile, ou d’un portefeuille électronique mobile comme Apple Cartes ou Google Wallet. “Il faut interroger nos serveurs pour l’afficher. Le QR Code est masqué et ne s'affiche que deux heures avant le début de l'événement, indique Etienne Vaast. Comme on ne génère pas de billet au format PDF, il ne peut pas sortir de la plateforme et être dupliqué”.
A terme, les billets de Billy ne constitueront pas seulement un sésame pour accéder à l’événement : “Ce sera une carte de membre qui permettra de réengager les fans et les superfans lors de la sortie d’un nouveau single, d’un nouveau clip, d’un nouvel album, ou pour les informer de promos sur le merch restant en fin de tournée”, confie Alex Nebout.
Générer de la data qualitative
Contrairement aux mastodontes de la billetterie, Billy partage ses données clients avec l’artiste, son label ou le producteur de spectacles. “Le bundle est un formidable outil pour récupérer de la data qualitative. Lorsque quelqu’un achète non seulement le billet, mais aussi l’abum ou du merchandising dans les premières 72 heures, on peut être sûr d'avoir identifié un super fan, qui va suivre l’artiste pendant toute sa carrière, justifie Etienne Vaast. Notre système permet en outre, dans le parcours d'achat, d’actionner ce qu’on appelle des ‘optis marketing’ permettant, par exemple, de s'abonner à la newsletter de l’artiste, du label ou de la maison de disques. Nous laissons l’artiste accéder librement à toutes ces données parce que nous considérons qu'elles lui appartiennent”.
“La finalité de Billy, c'est avant tout de remplir les objectifs d'un artiste, de l'aider à bien se développer”, ajoute Alex Nebout. La start-up n’a mené à ce jour qu’une vingtaine d’opérations de bundle, et ne peut pas encore mettre en avant des statitiques significatives. Mais sur certaines de ces opérations, comme celle menée sur la tournée du rappeur français Luidji, confie t-il, les chiffres étaient vraiment impressionnants : “On vient créer des recettes qui n'existaient pas du tout auparavant, et qui viennent changer l’économie de la tournée. Plus la billetterie va venir booster les ventes de disques, plus les labels vont reprendre part aux discussions la concernant avec les producteurs de spectacles, dont ils étaient complètement sortis”.
Initialement incubée par l’incubateur de start-up du Web3 PyratzLabs8, basé à Levallois-Perret, Billy, qui a fêté ses deux ans d’existence, a bouclé une première levée de fonds d’amorçage fin mars 2024 auprès d’un fonds d’investissement privé, sur laquelle elle n’a pas encore communiqué. La compagnie ne projette pas encore de se développer à l’international, ce qui deviendra peut-être d’actualité après le bouclage d’une levée de fonds de série A.
“Soyons déjà forts chez nous, et forts de cette présence locale, on ira convaincre les autres territoires. Mais la billetterie a ceci de particulier que chaque territoire a sa propre façon d'avancer. On commence à échanger avec différents acteurs sur différents territoires, mais il y a déjà un énorme potentiel de développement, de progression et de croissance en France. Et nous avons encore pas mal de choses à valider sur notre propre marché avant de songer à passer à l’échelle de millions de consommateurs”, confie Alex Nebout.
Entretien réalisé en visio avec deux des co-fondateurs de Billy, Alex Nebout et Etienne Vaast, le 10 juin 2024
Direct-to-consumer, pour vente directe au consommateur.