Le SNEP ne veut pas accroitre la pression fiscale sur la poule aux oeufs d'or du streaming
Alors que la croissance du marché français de la musique enregistrée a marqué le pas au premier semestre, le SNEP s'inquiète des velléités d'instaurer une taxe sur le streaming pour financer le CNM.
Les plateformes de streaming musical (Spotify, Apple, Amazon, Deezer ou Qobuz) doivent-elles contribuer directement au financement du Centre national de la musique (CNM) ? La question divise la filière musicale française aujourd’hui. De plus en plus de voix s’élèvent - au Prodiss (producteurs de spectacles privés), au SMA (Syndicat des musiques actuelles), à l’UPFI (Union des producteurs français indépendants), à la Sacem (auteurs-compositeurs) ou à la CSDEM (Chambre syndicale des éditeurs de musique) - pour demander l’instauration d’une taxe de 1,5 % sur les revenus des plateformes, qui viendrait abonder le budget de cet établissement public créé en janvier 2020 pour fédérer toutes les instances de la filière.
Une suggestion à laquelle le SNEP (syndicat des labels distribués par les majors de la musique) a fait une nouvelle fois connaître sa frontale opposition lors de la présentation des chiffres du marché français de la musique enregistrée au premier semestrer 2022. “Les réflexions en cours sur le financement du CNM ne doivent pas conduire à l’accroissement de la pression fiscale sur les revenus du streaming. Cette éventualité ferait peser des risques lourds de répercussions sur les consommateurs au détriment de l’usage et du développement de ce marché”, a déclaré dans un communiqué son directeur général Alexandre Lasch.
Une croissance relativement modérée
La croissance du marché français de la musique enregistrée est restée relativement modérée au premier semestre 2022, avec des revenus bruts des producteurs en hausse de 8,2 % sur un an, à hauteur de 363,4 millions d’euros. C’est mieux que l’Allemagne (+ 5,5 %), mais moins bien que l’Italie (+ 18,3 %), ou que la croissance à deux chiffres enregistrée en 2021 (+ 14,3 %). En progression de 12,8 %, à hauteur de 211,5 millions d’euros, les revenus de l’abonnement, qui a généré les trois-quart des 51 milliards d’écoutes en streaming du premier semestre, ont pesé 58 % des revenus bruts de la filière phonographique.
Les revenus publicitaires du streaming gratuit ont progressé de 10,6 % sur la période, et ceux du streaming vidéo, qui pèsent désormais 10 % des ventes, de 30,6 %. La progression globale du numérique, de 14 %, a compensé une baisse de 8,7 % des ventes physiques, malgré les + 15 % du vinyl. Les revenus du téléchargement sont passés en dessous de la barre des 5 millions d’euros.
“La progression globale du marché doit […] être mise en perspective avec la conjoncture inflationniste actuelle dont on ne peut encore mesurer les conséquences sur notre secteur”, a indiqué le SNEP. “Dans le contexte actuel, les producteurs de musique seront très attentifs à ce que des éléments extérieurs ne viennent pas perturber cette dynamique tout juste retrouvée. Notre vigilance s’attachera particulièrement au respect par le gouvernement de son engagement à ne pas créer de nouvelle taxe”, a indiqué son directeur général. La poule aux oeufs d’or du streaming pourrait en souffrir.
Un budget du CNM à boucler
La question du financement du CNM, dont le budget prévisionnel était de 87 millions d’euros en 2022, n’en reste pas moins posée. La taxe sur la billetterie des spectacles, qui constitue sa principale source de financement, ne devrait rapporter que 30 millions d’euros en 2023, contre 35 millions en 2019, selon Les Echos., et les aides du CNM financées par les organismes de gestion collective ont vu leur montant prévisionnel de 7 millions d’euros revu à la baisse, à hauteur de seulement 1,5 million d’euros - du fait de la crise sanitaire et de l’obligation qu’ils ont, désormais, d’inclure les artistes et les labels américains dans la répartition des droits voisins perçus sur le territoire français.
Le siège du CNM, à l’angle de l’avenue de France et de la rue Charcot à Paris
Une dotation de 20 millions d’euros abondée par l’Etat couvre les frais de fonctionnement de l’établissement public et le financement de ses programmes d’aides transversales. L’Etat a également débloqué 30 millions d’euros pour la relance de l’activité en 2021, et 5 millions pour la construction et la montée en puissance du CNM. Une taxe sur les revenus des plateformes de streaming pourrait rapporter une vingtaine de millions d’euros en complément, et contribuer à boucler le budget de 2023. Les majors de la musique craignent cependant que les plateformes ne répercutent ce surcoût sur les ayant droit, dont certains perdraient d’un côté ce qu’ils auraient à y gagner de l’autre.
avec lesechos.fr, snepmusique.com, cnm.fr
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